Innovation packaging : « Le problème n’est pas de trouver des idées… mais de trouver le problème »
Vincent Ferry
Responsable Packaging
chez Danone Research
Quand une innovation émerge et rencontre le succès, elle surprend par son audace, mais surtout le plus souvent par sa simplicité. « Pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant ? »,
cette remarque que l’on se fait devant une innovation prouve justement qu’elle est réussie. Reste que, pour trouver une bonne idée, il faut d’abord trouver le bon problème.
Simplicité et sens constituent bel et bien les deux fondamentaux pour concevoir l’emballage de demain.
Dans l’innovation, il s’agit avant tout de chercher le « vrai » problème à résoudre, celui qui a du potentiel. Notre nouveau pot de yaourt chez Danone, Kiss, en est l’illustration-même. Son nom, tout d’abord, témoigne de cette recherche de simplicité : « Keep It Simple and Safe ». Il est parti d’une conviction : la nécessité de simplifier les emballages de Danone Produits Frais.
Il amène ainsi de la cohérence dans la gamme et le message délivré, et crée une véritable différenciation en linéaires grâce à son esthétique et son ergonomie.
Il nous a permis, en outre, de nous doter d’une meilleure flexibilité opérationnelle via la standardisation.
Enfin, Danone a ainsi entamé un retour aux sources, en puisant dans ses origines et son ADN : présenter ses produits de façon originale et sympathique, et les accompagner intelligemment.
Au final, ce pot Kiss permet à la fois de la différenciation au niveau de l’emballage et du confort d’usage au moment de la dégustation.
Réinventer le pot de yaourt
Le concept s’est imposé à moi lors de la convention Danone de février 2009 : la série spéciale des pots de yaourts réalisée pour nos 90 ans a suscité en moi un flash créatif ! Je me suis dit qu’il fallait réinventer le pot Danone. Si l’idée était simple, il restait encore à la réaliser. Avec une technologie moderne, adaptée au monde contemporain. Et surtout réussir à convaincre les dirigeants du groupe de l’adopter !
Le travail de conception a consisté à analyser et à répondre aux besoins des consommateurs, tout en prenant en considération les nombreuses contraintes (économiques, industrielles, logistiques, environnementales, légales…), pour, au final, les bousculer et les sublimer. Au total, le développement a duré deux ans, durant lesquels nous avons notamment réalisé un pilote industriel avec notre fournisseur de machines ARCIL, ainsi que des tests consommateurs.
Le groupe a alors décidé d’opérer un premier lancement « grandeur nature » en Espagne en juillet 2010 sur 5 de nos marques. Comme l’Espagne possède un parc de machines ERCA, cette configuration nous a permis d’intégrer les contraintes de nos deux fournisseurs principaux, en définissant un standard collant au concept du pot unique, indépendamment de la machine utilisée.
En parallèle de ce nouveau packaging, nous avons aussi lancé un travail en profondeur de rénovation de nos recettes, et revu la théâtralisation des linéaires. Première marque à avoir bénéficié de ce relooking en septembre 2012, Velouté a enregistré une croissance de 20 % en volume.
Utiliser de nouvelles machines et transformer l’existant
Evidemment, cette transformation en profondeur a mobilisé de nombreuses ressources au sein de l’entreprise. Elle a notamment nécessité des investissements financiers sur notre parc machines. Nous avons changé les moules, la découpe, les éléments de scellage, et adapté des convoyeurs ainsi que le système de banderollage.
Au final, ce chantier a largement dépassé le cadre purement technique. Kiss est plus qu’un produit : c’est un concept fédérateur. Nous avons dû faire de l’accompagnement humain à travers notamment des formations, et du génie civil dans nos usines (déplacement des murs, modification des plafonds, des caniveaux et du carrelage, aménagement des stocks…), sans pour autant arrêter la production. Un véritable défi ! Aujourd’hui, la moitié du parc ciblé a été transformée, avec, dans l’ensemble, des performances au-delà des objectifs fixés.
Repenser les emballages
Danone Produits Frais France s’est fixé comme objectif d’alléger voire supprimer, lorsque cela était possible, les emballages pour améliorer son empreinte carbone, tout en conservant des niveaux de protection, de visualisation et d’informations au consommateur satisfaisants. Avril 2010 marque une étape significative avec la suppression de ses suremballages sur les marques Activia et Taillefine – 1 600 tonnes de carton économisées, soit l’équivalent de 2 500 tonnes de CO2. Puis, en avril 2011, quatre marques réduisent les suremballages de leurs gros formats – soit 1 000 tonnes de carton économisées ou 1 800 tonnes d’équivalent CO2.
Après Activia et Taille Fine, c’est au tour de Velouté d’entamer sa mue. Jusqu’à maintenant, nous ne pouvions pas supprimer le suremballage car l’ancien pot n’avait pas de décor individuel. Grâce à Kiss, c’est aujourd’hui possible.
L’emballage joue néanmoins un rôle capital dans la vie des produits, contribuant à leur protection, à leur repérage en linéaires ou à l’information aux consommateurs. La difficulté réside essentiellement dans le graphisme.
Concrètement, il faut maintenir la même visibilité des marques et la même compréhension des informations avec une surface d’expression réduite. Un véritable défi à relever pour les agences de création graphique !
Reste que l’enjeu en vaut la peine : d’un point de vue environnemental, les cartonnettes représentent au total autour de 20 % du bilan carbone de l’emballage !
Choisir les bons matériaux
Le choix des matériaux est également un autre objet d’études. Pour minimiser l’impact environnemental, huit leviers ont été identifiés : réduire la quantité d’emballage ; augmenter la densité de transport ; recycler les déchets industriels ; utiliser des matières recyclées ; utiliser des matières d’origine végétale ; s’intégrer dans la filière de collecte, tri et recyclage ; favoriser une consommation à 100 % sans perte ; et enfin favoriser une reconversion (ou deuxième vie).
Dès les années 2006-2007, nous avons utilisé du polystyrène expansé sur nos anciens pots de yaourts, ce qui a permis de réduire la quantité d’emballage et de diminuer de 20 % le poids du pot. Concernant le pot KISS, nous souhaitons à terme réintroduire le polystyrène expansé. Les premiers essais viennent de commencer.
Se réinventer en permanence pour créer du sens et du lien
Et nous n’allons pas nous arrêter là en matière d’innovation.
Il faut se réinventer soi-même et se remettre en question en permanence ! Je préconise une démarche de bon sens : simplifions encore et toujours !
En effet, les emballages réussis créent du sens et du lien. Il ne faut pas oublier que le pack reste le premier média au contact des consommateurs ! Ils l’ont entre les mains au moment de l’acte d’achat puis de la dégustation. Il doit donc « réveiller » le linéaire et véhiculer du sens.
Un emballage réussi crée aussi du lien. Car c’est un formidable catalyseur interne qui réunit associés, fournisseurs et partenaires. Ce que fait Kiss à l’intérieur de la société se voit aussi à l’extérieur. Kiss devient la vitrine du savoir-faire Danone et son meilleur ambassadeur. L’innovation réussie, c’est comme un « strike » au bowling : lorsque la boule est lancée dans la bonne direction avec la bonne énergie, normalement, le strike est systématique.
Et pour y parvenir, il faut de la technique, un certain savoir-faire et beaucoup de bon sens !
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